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"Bénévoles, salariés, volontaires : les visages de l'humanitaire " retour sur notre deuxième colloque

Publié le 04/04/2017
Evénements
"Bénévoles, salariés, volontaires : les visages de l'humanitaire " retour sur notre deuxième colloque

Colloque 22 mars 2017

Bénévoles, salariés, volontaires : les visages de l’humanitaire

 

 

 

Table ronde 1, animée par Vicky SOMMET

Elisabeth PASCAUD - Vice-présidente de France Bénévolat et référente « formations »

Il y a de plus en plus de bénévoles en France. Quelles sont leurs principales motivations ?

  • Être utile et efficace : besoin de "servir à quelque chose " et que cela soit visible rapidement.  Elle remarque le découragement et l’abandon de la part des bénévoles lorsqu’ils ne voient pas le résultat de leur action. Il est important d’expliquer que l'efficacité n'est pas immédiate.
  • Cause défendue – une quête d'un idéal de la part d’individus qui le retrouvent de moins en moins dans leur métier. Elisabeth Pascaud cite l’exemple de personnes qui travaillent dans le milieu de la finance internationale.  Les bénévoles font partie d’un collectif : lieu de contacts et d’échanges, mais ils peinent parfois à prendre conscience de cette dimension collective.
  • Recherche d’un épanouissement personnel. Aujourd’hui c’est quelque chose qui est dit de la part des bénévoles : ils cherchent par exemple à élargir leur réseau, avoir une plus grande ouverture d'esprit, ils ont un besoin de mettre leurs actions en accord avec leurs paroles, ou encore ils cherchent à s'occuper. Chez les jeunes demandeurs d’emploi cela va être acquérir des compétences et être utile.

 

Jacques GODFRAIN - Président de France Volontaires

En 1963 (année des indépendances), le Président Charles de Gaulle créé une association des jeunes désireux d’aller plus loin : les volontaires du progrès.  Ce mouvement a été initié avec des jeunes venant de milieux agricoles, par le biais de maisons rurales.

Plus récemment, France Volontaires a agi à la demande du Ministère des Affaires étrangères, du fait en autres du scandale de l’Arche de Zoé, pour sélectionner les profils des candidats qui partent à l’étranger. France Volontaires a un rôle d’éveilleur. Il a été décidé la création d’une plateforme qui permet d’harmoniser les actions et repérer parmi les candidats ceux qui sont réellement tournés vers l’autre, et qui ne désirent pas partir parce qu’ils ont des problèmes personnels par exemple. Aujourd’hui France Volontaires est en lien avec le Ministère des Affaires étrangères, mais aussi avec l’Agence du service civique.

Plus récemment, les attentats au Niger et au Mali  ont conduit à rapatrier les jeunes ce qui a parfois été problématique car ces jeunes ont des attaches. Ils ont fait une demande au Président local : désigner des jeunes locaux qui seront ensuite accueillis en France : idée qui a porté ses fruits, les jeunes se sont intégrés.

Aujourd’hui France Volontaires aide les jeunes à partir et cultiver le « Sud Nord ».

 

Philippe RYFMAN - Avocat, Docteur en science politique et diplômé d'études supérieures de droit privé, Chercheur sur les questions non gouvernementales et humanitaires

Aujourd’hui il existe des formations pour les jeunes qui veulent travailler dans le secteur de la solidarité internationale. Ce qui soulève un certain nombre de questions : Former sur quoi ? Quelles compétences ? Quels métiers ? Etc.

On note une difficulté à nommer ce dont on parle : bénévoles, volontaires ? Bénévole se dit volunteer en Anglais. Pendant longtemps les ONG américaines s'appelaient PVO pour  « private volunteers organisation ».

Quelques chiffres : aujourd’hui 23% des Européens de plus de 15 ans sont engagés. En réalité, seulement 11% d’entre eux sont impliqués dans l'aide internationale.

Il est important de distinguer l’amateurisme du professionnalisme surtout dans l'humanitaire : on ne s'improvise pas humanitaire. 1er  critère : quelles compétences ? L’évolution est considérable. Au départ dans les années 70 et 80, les humanitaires avaient des compétences médicales, mais surtout des compétences générales. Aujourd’hui l’humanitaire requiert des compétences spécifiques par exemple en communication, en plaidoyer.

Cette montée en compétence est liée à une série de facteurs :

  • Aujourd’hui le contexte est complexe. On parle d’« épaisseur sociale » des pays, et l’humanitaire aujourd’hui n’est pas seulement le forage d’un puits mais  par exemple la gestion des cartes de crédits des réfugiés qui ne sont pas dans des camps, ce qui nécessite une compétence bancaire.
  • L’humanitaire est un secteur à risque : risques en termes de sécurité du fait de conflits,  de catastrophes sanitaires et naturelles.
  • Aujourd’hui nous évoluons vers un monde globalisé où les destinataires de l'aide humanitaire sont des gens comme les autres. L’aide humanitaire est basée non plus sur les besoins mais sur les droits.
  • La professionnalisation est aussi imposée par les  bailleurs : notion de redevabilité exigée par les bailleurs « comment avez-vous utilisé les fonds ? » Exigences en termes de qualité, de dimensionnement de l'aide etc. Les populations ont droit à l'aide de la meilleure qualité possible. Cela est légitime mais pose des questions : les audits et contrôles des bailleurs tels que la DG ECHO sont de plus en plus nombreux. Cela représente un marché pour les cabinets d'audits. Les ONG recrutent donc des professionnels de l’audit : besoin d'avoir des personnes qui savent répondre aux questions posées par les auditeurs.

Bénévoles, salariés : Sur quel type de tâche ? Quelle durée ? Le recours à des professionnels bénévoles est fréquent mais pour un temps limité. Pour d'autres compétences et pour un temps plus long, le recours à des salariés est devenu la norme. Pour des fonctions de direction, de coordination, direction programme pays, les ONG ont besoin de professionnels qui ont des compétences dans ce type de fonction, et les bénévoles y ont peu de place.

 

Christian MASCARO - Chargé d’orientation professionnelle de l’Institut Bioforce

Rôle de l’Institut Bioforce : former des spécialistes dans et sur les crises par exemple en RCA et RDC. Christian Mascaro est conseiller parcours et métier :

  • Pourquoi parle-t-on de métier ? Aujourd’hui l’humanitaire est un métier et on commence à l’appréhender comme le secteur privé.  L’humanitaire, qui a commencé par le bénévolat, se compose aujourd’hui dans ses ressources humaines de plusieurs statuts. On voit de futurs professionnels motivés par la carrière, voulant être directeur opérationnel par exemple ou des professionnels en reconversion. Ce monde a évolué ces 10 dernières années. Christian Mascaro a commencé bénévole comme ses collègues et il explique aujourd’hui aux carriéristes que l'engagement est important.
  • Les étudiants de Bioforce ont des profils totalement différents : personnes en quête de sens, exemple d’une personne de 60 ans à la retraite et qui cherche à acquérir des compétences dans le secteur humanitaire.

Il est essentiel de mettre en garde les futurs engagés et leur rappeler le sens de cet engagement. Aujourd’hui il y a « des stars de l'humanitaire », des gens qui sont très bien payés, avec des salaires au-delà du million aux USA. Plusieurs réactions face à cela : résister face à ce changement, ou faire partie de la dynamique en insufflant du sens. On travaille avec des victimes, des gens dans le malheur. Le besoin d'être idéaliste est fort. L’humanitaire est un professionnel engagé et il n’évolue pas dans un secteur comme les autres. Besoin d’une dose d'engagement : humanisme pragmatique.

 

Cyril COSAR - Psychologue clinicien, expert en stress, trauma et risques psychosociaux, Secrétaire Général d'Action contre la Faim France

Cyril Cosar intervient auprès des humanitaires avant, pendant et après leur mission. Clinicien, il a intégré une ONG dans l’optique d’apporter un soutien psychologique aux humanitaires, d’ajouter une ressource auprès des personnes engagées. Il a été le premier à avoir ce poste en France. Il opère aujourd’hui à l’extérieur, en appui à plusieurs ONG.

Evolution vers une professionnalisation de l’humanitaire : aujourd’hui le besoin d’une  « bureaucratie » avec des couches de salariat est assez fort.

Cyril Cosar parle d’une culture humanitaire française très différente de la culture anglo-saxonne : les salaires, le système organisationnel, etc. Dans la culture française, « donner du sens » est presque un lieu commun selon lui.

Exemple : le « recyclage » de compétences bancaires au profit de quelque chose, d'une utilité sociale, est quelque chose de très présent.

Il y a aussi une volonté de voyage, d'enrichissement, de rencontre avec l'autre.

Certains évoquent un métier technique avec un challenge différent, de nouvelles contraintes techniques.

 

 

 

Table ronde 2, animée par Gérard FELDZER

Caroline SOUBIE - Responsable engagement formation et initiative de la Croix-Rouge française

Pourquoi les bénévoles restent à la Croix-Rouge française ?

  • Ils évoquent les valeurs, ils partagent l’idéal de la Croix-Rouge ;
  • ils parlent également du sentiment d'utilité, d’épanouissement personnel ;
  • mais aussi l’acquisition de compétences et la volonté de se former : 1/3 des bénévoles disent qu'ils souhaitent avoir accès à une formation

Pourquoi former ?

  • Pour la Croix-Rouge, c'est ce qui permet de devenir bénévole et d’être secouriste, animateur, etc. C’est ce qui permet à tout le monde d'accéder à ces fonctions bénévoles. Effet de diplôme : aujourd’hui la majorité des bénévoles ont un niveau bac+5. Les formations permettent à tous les bénévoles d’acquérir des compétences quel que soit leur profil.
  • S'engager pour grandir, se réaliser, faire autre chose. Il est important pour la Croix-Rouge française d’accompagner les bénévoles à se réaliser : 80 formations en présentiel et 70 en e-learning.
  • La première formation va être l’accueil : journée d’accueil importante car le nouveau bénévole arrive dans un écosystème, avec ses valeurs, procédures etc. C'est ce qui est le moins bien effectué dans les associations aujourd’hui.
  • Formations car la professionnalisation du bénévole s'est accélérée, avec par exemple l’apparition de normes contraignantes pour la distribution de nourriture.

Exemple de formation : un parcours dédié à la prise de responsabilité pour les jeunes sans diplôme et/ou sans expérience a été créé. Ils vont apprendre à gérer une réunion, une équipe etc. l’accès à des Masterclass qui permettent à des jeunes de suivre des personnes du CA par le biais de séminaires.

 

Francis CHARHON - Consultant expert en philanthropie chez FCHConseil, Directeur général de la Fondation de France de 1992 à 2016

Clarifier la situation du bénévole :

  • Le bénévole n’a pas de statut. La convention de bénévolat existe pour fixer un cadre, ce pour quoi il est venu : mener une tâche.
  • Volonté aussi de rembourser les frais : système de notes de frais, d’abandon de frais, de reçu fiscal etc.
  • Il n’y a pas de protection sociale pour les bénévoles.
  • Responsabilité : le bénévole doit être assuré.
  • Responsabilité civile et pénale : en cas d’accident, l’organisation est généralement concernée sauf dans le cas de poursuites pénales.
  • Conventions réglementées : le commissaire aux comptes demande aux administrateurs si des contrats ont été conclus afin de limiter les abus
  • Tolérance fiscale et partie légale

 

Eric GAZEAU - Directeur de Résonances Humanitaires

Résonance humanitaire : la question de la professionnalisation des ONG est au carrefour des statuts de bénévoles, de volontaires, de salariés.

Retour sur son parcours :

  • au départ, il est parti pour faire une césure, puis il effectue des missions au Soudan, Rwanda, Somalie etc. Les opérations se sont enchaînées mais la situation entre deux missions n'est pas simple. Eric Gazeau a pris conscience qu'il appartenait à une deuxième famille,  à une communauté et la question : « vais-je faire cela toute la vie ? »  s’est posée. La situation des humanitaires qui rentrent et ne savent plus quoi faire est fréquente. Ils ont des compétences, des connaissances, ont fait des études mais se sentent désemparés. On voit pour certains une fuite en avant : ils repartent souvent à l'étranger.
  • Eric Gazeau a ensuite travaillé auprès de Xavier Emmanuelli, au Samu social. C’est à ce moment qu’il développe son projet en organisant dans un premier temps des dîners avec des humanitaires. Ces humanitaires se sentent délaissés, oubliés par les CA qui sont tournés vers les bénéficiaires.

La création d'une structure est née de ce constat : éviter la mission de trop, voir les opportunités pour les humanitaires. La structure fête ses 15 ans d'existence aujourd’hui. Il s’agit d’un réseau d'entraide qui compte 40 coaches bénévoles. Elle œuvre en soutien des autres ONG, est une ONG support comme CART’ONG Aviation Sans Frontières, etc. Résonances humanitaires est un SAS d'écoute et de décompression, qui opère aujourd’hui en partenariat avec des grandes entreprises, mais aussi des ONG et le Ministère des Affaires étrangères.

Parmi les humanitaires qui viennent à Résonnances Humanitaires, 3 types de profils :

  • Ceux qui veulent continuer. Le passage par Résonnances Humanitaires leur permet de prendre du recul, de marquer un temps de respiration. Ce temps est nécessaire pour ceux qui veulent continuer.
  • Ceux qui besoin de faire des choix de vie, y compris des choix de vie totalement différents : personnes  qui veulent devenir boulanger par exemple. Le passage au sein de leur structure a dans ce cas particulier un effet révélateur.
  • Ceux qui se réorientent en lien avec ce qu'ils ont fait. En ce sens, l’humanitaire est appréhendé comme une école de l'international pour le médico-social en France par exemple. L’expérience à l’international est alors utile (par exemple la question de la gestion des réfugiés.) Enfin, la reconversion en entreprises qui sont elles aussi en quête de sens est aujourd’hui à prendre en compte: Bouygues, AXA, SNCF par exemple qui recherchent de la diversité dans leurs équipes. Questions RSE.

Il n’y a pas d’opposition bénévole / salarié: communauté dans sa diversité.

 

Alexandre DARCAS - Responsable Recrutement & Parcours chez Première Urgence Internationale

Au siège de Première Urgence Internationale (PUI) seuls des salariés et des stagiaires évoluent. Pour lui, les stagiaires font aussi partie de ce microcosme. PUI a recours à des bénévoles sur des aspects très techniques comme des traducteurs d'Arabe, mais aussi pour des tâches telles que la saisie de données ou la mise sous pli. Le siège a de nombreuses contraintes, et il lui est ainsi difficile de faire appel à des bénévoles.

Le processus de recrutement s’effectue y compris auprès des bénévoles : sélection pour les salariés, les stagiaires mais aussi les bénévoles. Par exemple, les bénévoles passent des entretiens où on leur demande pourquoi ils souhaitent s’investir chez PUI, quelles sont leurs motivations, etc. Le suivi RH permet aussi d’améliorer leur accompagnement. La notion d’intégration ou d’ « onboarding » est importante : quel que soit le statut, il est nécessaire que chacun s'intègre.
La rétribution est une composante à ne pas négliger : pour un bénévole, cela va être l’acquisition de compétences. Ils vont ainsi être intégrés à des réunions.
Elaboration d’une convention : celle-ci permet de replacer quelqu'un à autre poste plus adapté, ou ne pas continuer avec la personne si elle se comporte mal.

Mécénats de compétence : les exigences croissantes de la part des bailleurs impliquent des compétences spécifiques, par exemple un spécialiste des systèmes d’informations. Il s’agit d’un poste coûteux : il est nécessaire à l’organisation mais celle-ci ne pourrait pas absorber le coût d’un tel poste.  Le mécénat de compétence est également, pour une association, un lien avec le secteur privé.

 

Jean-Yves GROSSE - Président d’Aviation Sans Frontières

Le thème du colloque a été choisi en fonction des questionnements internes. Aviation Sans Frontières, constituée d’un noyau de plus de 800 bénévoles, a engagé récemment des salariés : vers un mouvement de professionnalisation. Les salariés étaient auparavant présents en petit nombre sur des fonctions supports.

Les salariés permettent aujourd’hui d’assurer une continuité, car il est difficile désormais de trouver des bénévoles présents au quotidien. D’autre part les tâches peu valorisantes renforcent la difficulté de mobiliser des bénévoles (pour faire des colis par exemple).

Le recrutement de salariés ne s’est pas fait sans tension. Des questions se sont posées comme « qui a la légitimité pour décider ? » Auparavant, il y avait une réticence à accueillir des salariés. Aujourd’hui cette idée est en train d’être dépassé car il y a une réelle prise de conscience quant à l’apport des salariés. Un des apports va par exemple être lié à l’âge : les salariés jeunes sont un vent d'air frais pour l’ambiance et la vie de l'association.

Depuis peu, Aviation Sans Frontières a recours à de personnes en mécénat de compétence, très précieux pour l’association.

La gestion du changement dans une association est très difficile : plus l'engagement et l’implication personnels sont forts, plus cette gestion est difficile.

 

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