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Entretien avec Fadma Moumtaz du HCR

Publié le 06/09/2016
Accompagnement de Réfugiés
Entretien avec Fadma Moumtaz du HCR

Depuis 2006, Aviation Sans Frontières accompagne des réfugiés, ayant passé dix à vingt ans dans des camps, vers une nouvelle vie. Ils n’ont pas la même histoire que ceux dont on parle tant aujourd’hui dans les médias. Cependant il nous semble essentiel de comprendre. Qui sont-ils ? Que fuient-ils ? Qu’ils fassent l’actualité ou qu’ils appartiennent à des crises oubliées, il est important de lever le voile sur ce mot de réfugié. Nous avons donc rencontré Fadma Moumtaz, chargée de communication et de l’information au sein du bureau parisien du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). Entretien.

 

Qui désigne-t-on derrière le qualificatif de « réfugié » ?

Un réfugié est une personne qui fuit pour des raisons de persécutions ou de guerre civile. Elle répond donc nécessairement à la définition de l’article 1A2 de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés qui stipule que « le terme « réfugié » s'appliquera à toute personne : (...) qui craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »

 

Quelle différence fait-on entre un réfugié et un migrant ?

Les réfugiés sont des migrants. Il faut savoir que les migrations représentent 250 millions de personnes. Sur ces 250 millions, 65 millions (chiffres de l’ONU datant de 2015) sont des personnes qui sont déracinées en raison de conflits ou de persécutions dans le monde. Donc, nous sommes loin de penser que cela représente un flot très important sur les 7 milliards de personnes qui peuplent cette planète. Il faut constamment mettre en perspective le fait qu’il n’y a pas d’afflux. L’année dernière, près d’un million de personnes sont arrivées aux portes de l’Europe. Il y a aussi la tragédie de ces migrants morts en Mer Méditerranée. En 2015, 3 500 personnes ont péri dans le naufrage de leurs embarcations {depuis deux ans, le HCR a comptabilisé plus de 10 000 décès, NDLR}. Tout le travail du HCR consiste à appeler les États européens à exercer le principe de solidarité. Un million de personnes dans les 28 pays de l'Union européenne, c’est gérable quand on pense à certains pays qui en accueille davantage. Nous observons qu’un réfugié ne va pas nécessairement très loin mais bien souvent dans un pays limitrophe. C’est justement le cas de la tragédie syrienne qui a fait fuir de nombreux Syriens dans les pays limitrophes que sont la Jordanie, le Liban, la Turquie (qui accueille plus de 2,5 millions de réfugiés). Nous sommes loin des 80 075 demandeurs d’asile comptabilisés en France par l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) en 2015, auxquels s’ajoutent 206 172 réfugiés. C’est une crise gérable. Nous ne sommes pas en train de parler de millions et de millions de personnes. Songez qu’au Liban, un tiers de la population est composée de réfugiés.

 

Pourtant, nous avons l’impression que c’est difficilement gérable.

L'effort de l'Allemagne a été plus important qu'aucun autre pays en Europe. Elle a accueilli plus de 800 000 réfugiés l’année dernière et a la capacité de pouvoir les intégrer. Il est important que les demandes d’asile soient traitées rapidement. En France, le délai de traitement a été ramené à 9 mois {alors qu’il était avant de 15 mois, NDLR}. Il y a également ces missions de l’OFPRA qui va directement, dans le cadre des dossiers pour la réinstallation en France, se charger de la question de l’éligibilité dans les camps, en Jordanie par exemple. Le travail du HCR est compliqué en ce sens que ça devrait être simple si tout le monde y mettait de la bonne volonté. S’il y avait une volonté politique, il est clair que ça éviterait à ces personnes de tomber dans les mains des passeurs. La situation en France est complexe, et le Nord du pays (Sangatte auparavant, aujourd’hui Calais) cristallise les tensions de la société française.

 

Comment justement apaiser les peurs que suscite l’étranger ?

C’est tout simplement en allant vers l’autre. Je me souviens du témoignage du maire de Pessat-Villeneuve {Puy-de-Dôme, NDLR}, Gérard Dubois, qui s’exprimait lors d’une conférence TEDx organisée en juin à Paris sur le thème de l’exil. Il parlait du choix qu’il a fait d’accueillir une vingtaine de migrants dans sa commune de 500 habitants. Cette décision avait provoqué un tollé. Des gens avaient taggué des murs. A l’échelle du village, l’arrivée de vingt migrants venus de Calais était impensable. Il a alors effectué un travail de sensibilisation avant qu’ils n’arrivent. Au cours d’une des réunions menées sur ce sujet, une main s’est levée pour poser cette question : « Et comment vont-ils ? » Cela voulait dire que cette personne s’intéressait à l’autre, qu’elle se préoccupait de leur sort. Et là, tout d’un coup, tous ceux qui s’opposaient à leur arrivée se disaient : « Et si nous nous retrouvions dans leur situation, que ferions-nous ? » Les migrants sont donc arrivés et la population s’est spontanément mobilisée pour leur apporter des chaussures, des vêtements… C’est vraiment dans l’échange que l’on parviendra à changer les consciences.

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